Le Collectif autisme estime que la stratégie 2018-2022 a oublié les réponses concrètes

Le Collectif autisme estime que la stratégie 2018-2022 a oublié les réponses concrètes

Dans un manifeste remis le 26 octobre à la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, le Collectif autisme dénonce l’abandon des familles laissées sans solution ou avec des brides de solutions. Il insiste sur la situation dramatique des adultes qui restent les grands oubliés des différents plans.Pour le Collectif autisme, les familles sont souvent le seul soutien, avec un manque criant de solutions adaptées pensées pour les adultes. (John Birdsall/BSIP)
Le Collectif autisme* a remis le 26 octobre à Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, un manifeste (à télécharger ci-dessous) faisant le point sur les avancées mais surtout sur les manques des différents plans et stratégies. Au menu : manque de formation et du contrôle qualité, scolarisation insuffisante, rareté des programmes d’intervention, abandon des familles et situation toujours aussi inacceptable de nombreux adultes.

« La stratégie autisme au sein des troubles du neurodéveloppement(TND), si elle a eu le mérite d’inscrire fermement le trouble du spectre de l’autisme dans le champ des TND, de montrer la superposition fréquente des troubles et de mettre en évidence l’intérêt de la recherche pour l’ensemble des troubles, a cependant largement oublié les réponses concrètes à apporter aux besoins spécifiques des personnes autistes qui ne sont pas ceux ni quantitativement ni qualitativement des autres personnes avec un autre TND« , écrit le collectif en préambule.

Le drame des adultes

Il constate que les adultes restent les grands oubliés des différents plans. « L’absence de réponses s’aggrave d’année en année, ainsi que la détresse des familles, » écrit-il. La mesure 37 de la stratégie — le repérage des personnes adultes autistes aujourd’hui non diagnostiquées, accueillies en hébergement au sein des établissements médico-sociaux généralistes ou en psychiatrie — n’a été que très partiellement mise en œuvre. De plus comme le rappelle le collectif, « un repérage ne suffit pas, il faut un diagnostic fonctionnel qui permette de définir et mettre en œuvre un programme d’interventions« . « De vrais diagnostics, puis de vraies prises en charge, cela demande des moyens mais tout cela n’a jamais été budgété« , se désole Danièle Langloys, présidente d’Autisme France, interrogée par Hospimedia.

Les associations signataires refusent de considérer les recommandations de l’Organisation des Nations unies (lire notre article) comme un interdit à l’ouverture d’établissements. L’article 19 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) prévoit que les personnes handicapées puissent avoir une liberté de choix sur leur lieu de vie mais qu’elles aient « accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation« .

Privilégier une approche pragmatique

Dans la mesure où ces services sont loin d’être une réalité en France, le collectif estime que dans l’immédiat « il faut répondre aux besoins des personnes là où elles sont, en commençant par les plus dépendantes qui doivent être aidées 24h/24 avec des taux d’encadrement et des qualifications importants ». S’il salue la création des unités résidentielles pour les situations très complexes (lire notre article), il rappelle que ces dernières ne répondent qu’aux besoins d’une toute petite partie du spectre.

Il note que moratoire sur les places en Belgique (lire notre article) n’est pas compensé par des ouvertures en France, ce qui augmente encore les tensions. Il regrette enfin que l’amélioration des critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap (PCH) aide humaine en janvier 2023 n’ait aucun financement pour ceux qui peuvent opter pour des solutions plus inclusives. Des solutions qui n’auront de sens qu’avec l’ouverture de services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) et de services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) non prévues par la stratégie.

Dix mois de perdu pour un jeune majeur protégé

Après plus de dix mois à l’isolement, le majeur protégé suivi par Anne-Marie Jacquet (lire notre article) vient de quitter l’hôpital psychiatrique Ravenel de Mirecourt (Vosges). Il est accueilli depuis le 3 novembre par l’association Le Silence des justes en Normandie dans le cadre d’un séjour de rupture. La solution belge n’est pas écartée et c’est probablement celle qui s’imposera — en l’absence de solution pérenne à court terme dans l’Hexagone — lors du prochain groupe opérationnel de synthèse (Gos) qui devrait se réunir début décembre. Pour la mandataire judiciaire à laquelle l’hôpital psychiatrique refuse toujours l’accès au dossier médical, le combat est loin d’être terminé. Elle a alerté la commission départementale des soins psychiatriques, la défenseure des droits et la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Grâce à cette mobilisation, elle a obtenu la tenue d’un deuxième Gos le 19 octobre où elle a pu faire valoir la solution du séjour de rupture. Elle a pu aussi compter sur l’engagement sans faille de l’opérateur belge qui conserve une place depuis juillet et travaille désormais en symbiose avec Le Silence des justes. « Dans le parcours de mon protégé nous avons eu la chance de rencontrer un directeur d’établissement de l’autre côté de la frontière d’une humanité exceptionnelle, explique-t-elle à Hospimedia. En France, entre le manque de places spécialisées en autisme pour les adultes et les structures qui gèlent leurs places par manque de personnel, tout est saturé. »

Formation et contrôle qualité pas au niveau

Autre sujet de mécontentement pour le collectif : la formation et la qualité. « Malgré nos demandes, il a été impossible d’obtenir la refonte des formations en autisme des professionnels dont nous avons besoin: psychiatrie, psychologie, travail social », expliquent les associations. « Les organismes dispensant le certificat national d’intervention en autisme doivent être labellisés au départ mais après il n’y a plus aucun contrôle« , précise Danièle Langloys. Quant à la méthodologie proposée par la Haute Autorité de santé aux établissements médico-sociaux pour évaluer la qualité, elle ne les convainc pas.

Concernant les enfants, si elles reconnaissent les avancées des différents dispositifs de scolarisation, elles regrettent leur manque d’évaluation et constatent que, pour beaucoup d’élèves, la réalité correspond à quelques heures de scolarisation en classe ordinaire avec des accompagnants qui ne sont pas formés aux particularités de l’autisme. Elles rappellent que pour obtenir une place en institut médico-éducatif, il faut attendre entre deux et cinq ans. Elles approuvent la création des plateformes de coordination et d’orientation mais observent que les solutions d’aval pour les interventions précoces n’ont pas été anticipées. « La ministre nous a écoutés mais ne nous a apporté aucune réponse« , commente Danièle Langloys.

  • * Le Collectif autisme rassemble : Agir et vivre l’autisme, Asperger aide France, Autisme France, Autistes sans frontières, Alliance des associations pour les personnes Asperger ou autistes de haut niveau (4A), Pro aid autisme, Sésame autisme et l’Unapei.
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Emmanuelle Deleplace

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